“Un gynécologue ne doit pas seulement connaître le corps de la femme, il doit aussi savoir la respecter”

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VIOLENCES GYNÉCOLOGIQUESAlison et Daisy ont 28 ans. Leurs expériences ne sont pas similaires, mais elles ont toutes deux été victimes de violences gynécologiques. Un phénomène qui touche malheureusement encore beaucoup de femmes en Belgique. Les deux jeunes femmes ont accepté de témoigner.
Alison a 28 ans. Elle en avait 15 la première fois qu’elle est allée voir une gynécologue, elle était dans la vingtaine lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elle avait été victime de violences gynécologiques.
Sa première visite, elle l’a passée avec sa mère, chez la gynécologue de sa mère. D’après Alison, c’est sa mère qui aurait pris rendez-vous dans un but précis: “Cela faisait plus ou moins un an que j’étais avec mon copain de l’époque. Si elle m’a forcée à aller là-bas, je crois que c’était avant tout pour savoir si j’étais toujours vierge ou non.” Alison nous explique que le dialogue entre elle et celle qu’elle qualifie aujourd’hui comme étant sa “génitrice”, et non sa mère, était particulièrement compliqué.
Requête refusée
Je tremblais comme une feuille dans la cabine.
Le jour de la visite, la gynécologue ne s’est que très rarement adressée à Alison. Les questions, elle les posait à sa mère et c’est d’ailleurs elle qui répondait à toutes les interrogations de la docteure. “La seule question à laquelle j’ai répondu, c’est quand la gynéco m’a demandé si j’avais déjà couché avec mon copain. Ma mère s’est alors tournée vers moi. Elle n’attendait que ça, que je réponde et que je lève le voile sur ce mystère”, explique la jeune femme.
Au moment de l’examen, Alison a demandé à ce que sa mère quitte la pièce. Ni elle, ni la médecin n’a accepté. Elle était très mal à l’aise. “Je tremblais comme une feuille dans la cabine”, commente Alison. Finalement, elle n’a pas subi l’examen gynécologique, mais bien une échographie de l’utérus. Ce qui lui a semblé bizarre, mais sans plus. Après tout, c’était la première fois qu’elle allait chez un gynécologue.
À l’époque, je ne savais pas que je pouvais refuser un frottis.
Examen forcé
En 2009, alors âgée de 16 ans, Alison est retournée voir cette gynécologue. Cette fois, elle était seule. Elle voulait simplement faire une demande de renouvellement de pilule. “Je ne savais pas que l’on pouvait le demander à son médecin traitant, sinon je l’aurais fait”, regrette-t-elle. En effet, sans même le vouloir ou que cela ne soit prévu, la gynécologue l’a forcée à faire un frottis. “À l’époque, je ne savais pas que je pouvais refuser et j’avais peur qu’elle ne veuille pas me faire une ordonnance pour ma pilule si je ne faisais pas l’examen”, indique la jeune femme.
De ce rendez-vous et premier frottis, Alison est sortie en sang. “La dame m’a dit que c’était de ma faute parce que je tremblais trop. Ça a duré trois jours. Pourtant, je n’avais pas mes règles”, se souvient-elle. À cette époque, elle n’en a parlé à personne. Elle pensait que c’était normal. Toutefois, elle a préféré changer de gynécologue et s’est adressée à un planning familial, où l’expérience a été bien meilleure. Ce n’est que cinq ans après sa première visite gynécologique, grâce au mouvement #payetonutérus, qu’Alison s’est rendu compte de ce qu’elle avait subi.
“On ne fait pas ce que l’on veut à l’accouchement”
Cela n’a toutefois pas été sa seule mauvaise expérience en la matière. Quand elle a été enceinte, Alison s’est adressée à une nouvelle gynécologue. Au préalable, elle avait fait des tests de grossesse et une prise de sang qui lui avaient confirmé qu’elle attendait un enfant.
Elle m’a répondu qu’on ne faisait pas ce que l’on voulait lors de l’accouchement.
“Lors du premier rendez-vous, la gynéco m’a dit qu’elle ne voyait rien sur la prise de sang. C’était étrange. Mais ce qui m’a surtout choqué, c’est lorsque je lui ai expliqué que je voulais accoucher de manière naturelle, que je ne voulais pas d’épisiotomie (acte chirurgical consistant à ouvrir le périnée au moment de l’accouchement afin de laisser passer l’enfant, NDLR). Elle m’a répondu qu’on ne faisait pas ce que l’on voulait lors de l’accouchement. Je l’avais pourtant choisie parce qu’elle travaillait avec le Centre hospitalier Bois de l’Abbaye (Seraing), où ils ont une salle d’accouchement naturel”, explique la jeune femme, qui a été choquée par le ton condescendant de son interlocutrice. “En sortant de là, j’étais déprimée, même si je venais de voir mon fils pour la première fois à l’écho.”
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Suite à cela, Alison a une nouvelle fois changé de gynécologue. “C’était mieux, mais toujours pas parfait”, commente-t-elle. Elle cherche actuellement un nouveau gynécologue.
Daisy
Daisy a, elle aussi, 28 ans aujourd’hui. Sa première expérience chez un gynécologue, elle l’a eue à 14 ans. “Suite à des problèmes liés à ma flore vaginale, j’ai dû, dès l’adolescence, consulter des gynécologues de manière fréquente”, explique la jeune femme qui a vécu dans plusieurs pays et villes de Belgique et a donc connu plusieurs professionnels de la santé.
Il y a plusieurs années, la jeune femme a découvert un planning familial à Bruxelles. Tout se passait bien pour elle, elle était tombée sur un docteur gentil, attentif, capable de lui expliquer ce qui concerne son corps et de la rassurer. “Le planning est un endroit où il n’y a pas de tabous concernant la sexualité, les violences vécues au quotidien en tant que femme. C’est un endroit où l’on sent qu’on peut parler si quelque chose dans notre vie ne tourne pas rond”, explique-t-elle.
J’avais clairement l’impression de déranger.
Regard baladeur
En juin 2020, son gynécologue lui a suggéré de faire une colposcopie (examen du col de l’utérus, NDLR) et a recommandé l’un de ses confrères. Un rendez-vous a alors été pris, toutefois un premier problème est rapidement apparu. “Le jour de mon rendez-vous, je demande à pouvoir venir accompagnée. Le docteur refuse catégoriquement. J’accepte sans broncher”, explique Daisy. “Mais, une fois assise à côté du bureau, je me sens “reluquée” par le docteur. Je porte un t-shirt aux bretelles fines et il m’apparaît clairement que ce monsieur ne regarde ni mes yeux ni son ordinateur.”
La jeune femme explique qu’elle s’est sentie mal à l’aise face à ce regard insistant, mais qu’elle s’est aussi dit qu’elle se faisait des films. S’en est alors suivi un dialogue qu’elle qualifie d’assez sec, voire agressif: “J’avais clairement l’impression de déranger. Je lui ai alors expliqué que c’est le docteur X qui m’avait envoyée, en lui expliquant mon passif. Il m’a à peine écoutée et s’est obstiné à me dire qu’il ne voyait pas l’intérêt de faire une colposcopie dans mon cas. Toujours de manière froide et sèche, sans pour autant m’expliquer pourquoi.”
Examen pénible
Sur le moment, Daisy a alors eu envie de pleurer, elle se demandait ce qu’elle faisait là. Elle explique qu’il lui a alors ordonné de se déshabiller et de s’installer pour refaire un frottis. Elle en avait pourtant déjà réalisé un deux semaines plus tôt. “Je me suis exécutée même si j’ai eu très franchement envie de partir”, commente-t-elle.
C’était douloureux et inconfortable. Le frottis a été réalisé en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
“Une fois installée, les pieds dans l’étrier, le docteur a déversé le gel directement sur le clitoris. J’étais très surprise, parce qu’habituellement, le gel est placé sur le spéculum. Il a alors attrapé celui-ci et l’a frotté du haut du clitoris jusqu’à l’entrée de mon vagin avant de l’insérer. Il l’a installé et l’a alors bloqué de manière brusque. C’était douloureux et inconfortable”, se souvient Daisy. “Le frottis a été réalisé en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Une fois le spéculum retiré, je suis descendue du siège, le sexe recouvert de gel. Et bien sûr, cet homme rustre ne s’est même pas occupé de me donner du papier.”
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“Il fait bien son boulot”: Non!
La jeune femme a alors quitté la salle sous le choc, s’est dirigée vers l’accueil: “Encore en partie honteuse, j’ai juste réussi à dire que le docteur avait été froid et brusque, et que je n’avais pas du tout été à l’aise durant le rendez-vous. Je n’ai pas été capable d’expliquer la manière avec laquelle il avait réalisé l’auscultation, qu’il m’avait imposé un frottis sans que je comprenne son utilité et imposé un examen que je juge invasif, que l’on pourrait même qualifier de violation de l’intimité.”
Un gynécologue ne doit pas avoir pour seule compétence de connaître le corps de la femme. Il doit aussi savoir la respecter.
Daisy qui, en sortant du cabinet du gynécologue, ne savait toujours pas pourquoi ce dernier avait refusé la colposcopie, a finalement eu la réponse de la part d’une accueillante. Cette même personne a aussi tenté de la rassurer en lui disant, qu’effectivement, ce docteur n’était pas des plus délicats, “mais qu’il faisait toutefois bien son boulot”. Une dernière phrase qui a choqué Daisy. Parce que non, “un gynécologue ne doit pas avoir pour seule compétence de connaître le corps de la femme. Il doit aussi savoir la respecter. Respecter son intimité. Être capable de lui expliquer les choses au lieu de l’infantiliser, de l’engueuler”, estime-t-elle.
Suite à cette visite traumatisante, Daisy a adressé une lettre au planning familial où elle a été reçue. Elle espère une réaction de sa part pour que cela ne se reproduise pas.
Il faut que les choses changent
L’histoire d’Alison et de Daisy ne sont pas similaires, mais elles ont cela en commune: toutes deux ont été victimes de violences gynécologiques.
Après avoir gardé cela pour elle, les deux femmes entendent bien dénoncer ces agissements anormaux. “Après des années à vivre le harcèlement de rue comme beaucoup de femmes de mon époque, j’ose dénoncer lorsqu’un homme va trop loin, d’autant plus lorsqu’il se cache derrière “l’autorité” médicale ou du poste qu’il occupe”, explique Daisy. “Je suis sortie de cet examen les larmes aux yeux, ne sachant pas à qui m’adresser. C’est une situation qui arrive certainement dans les cabinets gynécologiques, mais je suis d’autant plus choquée que cela arrive au cœur d’un planning familial.”
Alison, elle n’a consulté que des femmes gynécologues, mais son avis rejoint celui de Daisy: “Il y a des femmes qui ne se rendent pas compte que chez le gynécologue, on ne doit pas être jugées, qu’il y a des choses que l’on ne peut pas imposer. Je ne m’en étais moi-même pas rendu compte à l’époque, c’est pour ça que je veux en parler.”
Recommandations
En juin 2018, le Haut conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a révélé a remis un rapport à l’ancienne secrétaire d’État, Marlène Schiappa, à propos de l’ampleur des témoignages concernant les violences obstétricales et gynécologiques.
L’institution y appelle à une “prise de conscience des pouvoirs publics”, proposant 26 recommandations pour “prévenir (ces actes), faciliter leur signalement et leur condamnation”, avec en premier lieu la réalisation d’une enquête de santé publique sur cette question.
Source:7sur7